La phase 3 continue avec l’effort principal porté dans le Donbass du nord. Les autres fronts paraissent marginaux. Passons les tout d’abord en revue.
Sur le front Nord, à part quelques échanges d’artillerie, il y a eu qq combats au NE de Kharkov, où la localité de Ternova a été disputée. Elle serait repassée sous contrôle UKR.
Sur le front de Kherson, beaucoup de rumeurs ont circulé cette semaine. Les UKR auraient lancé une offensive dans le N de la poche de Kherson (Velyka Olesandrivka). Le volume des forces engagées reste peu clair (un bataillon ? plus ?). Le résultat des combats est lui aussi indistinct : les UKR clament une avancée, les RU annoncent avoir repoussé.
Sur le front sud, là encore, qq anicroches. Ce matin, les UKR auraient repris deux hameaux du côté de Novopil. A chaque fois, des initiatives UKR avec des gains marginaux qui ne semblent pas mettre en danger le dispositif russe. C’est pourtant loin d’être négligeable car cela témoigne d’une manœuvre UKR visant à pousser sur les fronts secondaires dans l’espoir d’alléger la pression sur le secteur principal du Donbass : Kiev espère susciter des difficultés à l’ennemi et donc l’obliger à réallouer des forces dans ces secteurs secondaires.
Or, le principal effort se joue dans le Donbass et les mauvaises nouvelles s’y accumulent pour Kiev. La ville de Lyman (40.000 h) est tombée, sans combat de rue. La simple pression depuis deux semaines a suffi pour que les UKR se replient. Désormais, les RU contrôlent quasiment toute la rive N de la Donets et sont à portée immédiate de tir de Slaviansk (15 km). Surtout, comme ils ont déjà franchi la rivière du côté d’Izioum, ils peuvent entamer leur tenaille sur la ville. Malgré tout, beaucoup d’incertitude demeure sur le dispositif RU laissé à Izioum : il était estimé volumineux mais il n’a pas manœuvré depuis quatre semaines : a-t-il été laissé en attente ? des forces ont-elles été retirées ? Au contraire, sont-elles prêtes à l’action ? Les analystes se perdent en conjectures.
Du côté de Severodnetsk (SK), les RU ont également progressé en prenant le contrôle de tous les abords de la ville et en pénétrant dans les premiers quartiers. Par ailleurs, les ponts reliant SK au sud de la Donets sont soit rompus, soit sous contrôle RU. Autant dire que les défenseurs de SK sont en très mauvaise posture. La ville devrait tomber bientôt.
Plus au sud mais au NE du saillant de Popasna, les UKR semblent avoir décidé de maintenir un front de blocage autour de Zolote et Hirs’ke. Les combats incessants se déroulent pour le contrôle de Komyshuvakha et de Toshkivka. Ceci semble indiquer que l’état-major UKR a décidé de maintenir ses positions au fond du saillant de SK : aussi bien à SK qu’à Lysichansk ou à Zolote. Certains avancent les chiffres de 10 à 15.000 h sur ce dispositif (1/6 des AFU ?). Autrement dit, Kiev semble avoir décidé une défense de l’avant, estimant que cela usera dans la durée les forces RU.
Quand j’étais lieutenant, il y a fort longtemps, j’avais appris qu’il y avait trois facteurs dans une manœuvre tactique : le terrain, le temps, les forces. On échange un ou deux de ces facteurs contre le troisième. Cette grammaire très simple demeure une grille d’analyse valable. Dans le cas présent, les UKR veulent laisser des forces pour conserver le terrain et gagner du temps. Peut-être s’agit-il de préparer une ligne de défense sur le combiné Slaviansk-Kramatorsk qui serait renforcé simultanément avec les réserves disponibles ?
Cet effort sur SK explique aussi la décision prise au sud du saillant de Popasna. Les UKR ont évacué sans combattre une poche en train de se former en avant du réservoir de Luhanske. La ville de Svitolodarsk (20.000 h) a été abandonnée pour éviter le risque de laisser des troupes y être enfermées. Celles-ci ont été redisposées plus au nord, pour protéger Bakhmout. Or, ce faisant, c’est tout le dispositif UKR autour d’Hirlovka qui est affaibli, nous y reviendrons. Mais les RU ont pris facilement le contrôle d’une zone de 7×20 km et ont relancé leur action du sud de Popasna directement vers Bakhmout, pressé désormais par le S et par l’E. La route entre Bakhmout et SK est ainsi disputée et sous le feu direct des RU. Bakhmout devrait donc logiquement constituer l’objectif tactique des semaines à venir pour les RU : cela isolerait quasi complètement SK tout en arrivant à portée de Kramatorsk (25 km).
Ainsi, la décision UKR d’une bataille de l’avant est-elle risquée. Pour autant, la RU semble être moins active dans ce secteur au cours des dernières 72h : pause opérationnelle avant relance ou besoin de renforts plus nombreux et plus longs à venir afin d’exploiter ?
Dans le Donbass centre, les combats se poursuivent et retiennent moins l’attention. Pourtant, le dispositif UKR avait lui aussi été percé il y a trois semaines à hauteur de Kamyanka. Les RU n’ont pas voulu assiéger directement Avdiivka, place-forte UKR face à Donetsk Ils semblent vouloir la contourner par le N et l’encercler (vers Orlivka) de façon à constituer une nouvelle poche à réduire à l’usure. Si cela advenait, c’est toute la ville de Donetsk qui serait dégagée des combats immédiats.
Appréciation militaire. Cette phase 3 se poursuit et suscite des décisions radicales. Les UKR sont sous pression et semblent avoir choisi de conserver leurs positions avancées. Les RU ont pris un avantage local au cours des 3 dernières semaines et doivent considérer où relancer l’action. Les combats sur les fronts secondaires ne paraissent pas pour l’instant affecter l’affrontement principal. Si l’essentiel se joue dans le Donbass N, il faut surveiller le Donbass centre où des ruptures localisées pourraient aussi se produire. De plus en plus de vidéos d’unités UKR témoignent de la fatigue et de leur baisse de moral mais aussi de leur manque d’équipement et de soutien. Nous y reviendrons à l’occasion d’un billet dédié dans www.lettrevigie.com mais cela devrait susciter l’inquiétude à Kiev.
Appréciation politique : la communication stratégique UKR se fait moins victorieuse. Kiev ne cache plus ses difficultés et suggère de plus en plus qu’il faudra négocier. Aux États-Unis, les grands médias commencent à rendre compte des difficultés militaires. L’Italie a présenté un plan de paix et la Russie a suggéré un point annexe de négociation : laisser exporter le blé UKR en échange de la levée de certaines sanctions. C’est habile puisque cela paraît secondaire et qu’il y a une crise mondiale des céréales. L’UE quant à elle n’a toujours pas réussi à s’accorder sur le 6ème train de sanctions (embargo sur le pétrole). Les divergences sont rendues publiques. Ainsi, les soutiens occidentaux de l’UKR paraissent moins fermes.
Cependant, tant que la fortune des armes n’aura pas désigné clairement celui qu’elle favorise, la réalité des opérations demeurera première. Nous en reparlerons dimanche prochain.
Bonne semaine.
Votre phrase : « laisser exporter le blé UKR en échange de la levée de certaines sanctions. C’est habile puisque cela paraît secondaire et qu’il y a une crise mondiale des céréales. »
Cela n’a rien d’habile ni de secondaire et il n’est pas question de lever les sanctions occidentales !
Car on ne négocie pas avec « PUTLER », sinon, on devient à nouveau munichois 1938 ou 23 août 1939 …
Au contraire, il faut d’urgence organiser l’escorte US+UE des vraquiers porteurs de céréales UKRAINIENNES à travers la Mer Noire, si l’on ne veut pas assister à travers le monde à un nouveau « Holodomor 1932-1933 » …
Courage !!!